Psychomotricité et thérapie associée
Publié le 18 septembre 2019 par Pion Denise
Il faut croire que le choix de nos domaines d’étude reflètent partiellement ou complètement nos personnalités. Il en sera donc de même du travail qui devra en soi traduire qui on est. Nathalie Boussoco-Schittly semble elle être une personne qui n’aime pas se limiter et cela se traduit par les arguments qui l’ont poussé à choisir son domaine de compétence : “La psychologie m’a toujours intéressé mais je la trouve trop statique, ce qui correspond peu à ma nature. La psychomotricité en est une alternative plus ludique et corporelle qui remplace ou devient un complément à la prise en charge du patient en psychologie”.
Elle est donc devenue psychomotricienne avec un DE, mais pas que. Elle cumule cette compétence avec un diplôme équestre de la FFE (FÉDÉRATION FRANÇAISE D’EQUITATION), un Galop 7. Elle exerce en libéral, dans son cabinet depuis 2016. Elle est en lien avec d’autres professionnels (orthophoniste, professeur des Écoles, Médecin, orthoptiste…). Elle propose aussi une médiation équine se déroulant sur des centres équestre (Manade Vallat à la Bouilladisse, l’Isle aux Chevaux à l’Isle sur la Sorgue), où elle côtoie d’autres professionnels (éducateur, aides-soignant, psychomotricien…), avec qui elle échange régulièrement.
Dans le cadre de son métier, Nathalie dispose de plusieurs outils au nombre desquels on peut citer des techniques de relaxation dynamique, d’éducation gestuelle, d’expression corporelle ou plastique, des activités rythmiques, des jeux d’équilibration et de coordination. Elle nous en dit plus dans cette interview.

Qu’est-ce que la psychomotricité ?
La psychomotricité est l’étude de l’ensemble des comportements moteurs en fonction de leurs liens avec l’activité neurologique, affective, cognitive et relationnelle. L’organisation psychomotrice est donc constituée de ces 4 pôles, fonctionnant en homéostasie avec un feed-back. (CF.l’image jointe l’organisation psychomotrice).
La psychomotricité a pour but de favoriser, permettre ou restaurer l’équilibre de la personne selon 3 axes :
- éducatif (Éducation précoce et stimulation psychomotrice) ;
- rééducatif (Rééducation des troubles du développement psychomoteur ou des désordres psychomoteurs) ;
- thérapeutique,
afin qu’elle puisse s’adapter au mieux aux exigences de la vie et de son environnement.
Comment avez vous découvert cette pratique?
J’ai découvert la psychomotricité par la prise en charge d’un proche en cabinet.
Pourquoi le cheval se trouve t-il au centre de votre thérapie ?
Qu’est-ce que cela aurait donné avec un autre animal ?
Lorsqu’il y a un déséquilibre dans l’organisation psychomotrice du patient, le rôle du psychomotricien est de l’aider à compenser par lui-même ses lacunes et/ou difficultés. Il utilise pour cela des médiations corporelles et ludiques. Ma connaissance des chevaux et la pratique de l’équitation me permettent de l’inclure dans les différentes pratiques corporelles que je maîtrise.
Il n’est pas au centre de la thérapie, mais un outil riche en possibilité parmi d’autres.
Issue des travaux danois et norvégiens, l’équitation à intention thérapeutique et ré-éducative est introduite en France en 1962 par Hubert Lallery, kinésithérapeute. Il utilise le cheval pour rééduquer une jeune fille atteinte de la maladie de Little (diplégie spastique ; forme de paralysie cérébrale infantile). En 1969, Renée de Lubersac, psychomotricienne est l’auteure du premier mémoire ayant pour thème les activités équestres appliquées aux personnes handicapées. En 1970, le couple Hubert Lallery et Renée de Lubersac crée ANDREE (Association Nationale De Rééducation par l’Équitation) qui aboutira en 1978, à l’association nationale Handi-Cheval puis en 1983 à la FENTAC (Fédération Nationale de Thérapie Avec le Cheval). A noter que depuis, des professionnels para-médicaux n’ayant aucune formation aux médiations corporelles (éducateurs, psychologues, orthophonistes, infirmiers…) se servent de cette médiation durant les prises en charge de leurs patients. Pour répondre à cette demande ils leur est fortement conseillé de suivre une formation à la FENTAC. En 2005, Nicolas Edmond, psychologue et Karine Martin, psychothérapeute créent la SFE (Société Française d’Equithérapie).
A l’heure actuelle nous avons deux sortes de médiation équine :
La thérapie psychomotrice avec le cheval :
– affine le dialogue tonique : base de l’entrée en relation avec les autres.
– développe l’attention par la nécessité d’une ré-équilibration constante.
– favorise une prise de conscience corporelle, ce qui facilite la maîtrise de son corps et le partage émotionnel
– renforce l’estime de soi
– développe l’autonomie.
D’un point de vue psychomoteur elle intervient :
- – Sur le dialogue tonico-postural via le tonus (de fond, postural et d’action), la proprioception, le tact, l’équilibration, les coordinations/dissociations, le schéma corporel, l’image du corps, l’espace, le temps/rythme.
Autrement dit : « Ce que j’appelle dialogue tonique est assez précis. Cette notion correspond au processus d’assimilation, et surtout d’accommodation, entre le corps de la mère et le corps de l’enfant ; […]. Au cours de ces échanges, celui qui interpelle et celui qui est interpellé s’ouvrent à la communication. » . Julian de Ajuriaguerra. (In Joly et Labes, 2010, p. 314-315)
- – Sur le dialogue tonico-émotionnel via la construction identitaire (théorie de l’attachement), l’homéostasie (ici L’isoesthésie et l’isopraxie débouchant sur la pleine conscience) et le plaisir (utilisé comme motivateur des apprentissages).
Autrement dit : La médiation équine rejoue la relation maternelle primaire. Le thérapeute rend le lien sécure, l’optimise, le reporte et aide à le pérenniser dans le milieu humain, dans le rapport à autrui.
- – Sur l’interaction grâce à une relation triangulaire (animal, patient, thérapeute) et l’interaction avec le thérapeute
Autrement dit pour la relation triangulaire :
Le cheval est un outil thérapeutique, une médiation. Il permet au patient de vivre de nouvelles expériences sensorielles, facilitant une nouvelle prise de conscience corporelle. Ses expériences lors du portage sont réalisées dans la sérénité et le plaisir. Ces émotions positives au niveau des apprentissages sont vectrices d’une meilleure mémorisation et de plus d’attention. Cela lui permet de « réactualiser » son vécu historique, de combler ses manques, ses lacunes et de remodeler son esprit. « L’esprit est modelé par le corps. […] Mon hypothèse centrale est que tout ce que nous ressentons dans le domaine affectif, émotions et sentiments, est fondé sur l’activité des régions cérébrales qui sont sensibles au corps. Notre expérience quotidienne remet sans cesse à jour les cartes neurales chargées de véhiculer les informations en provenance du corps. » (Damasio, 2003). Et grâce à cette plasticité cérébrale d’évoluer dans l’interaction.
Le thérapeute crée et tient le cadre autant avec le patient qu’avec le cheval. Sa place est fondamentale, il est le garant d’une interaction sécure et optimale évoluant sur un mode égalitaire ou complémentaire. Par sa verbalisation, il instaure et conditionne une trame d’échange plus vraie, plus vivante et motivante. Il gère les processus de transfert et contre transfert. Il est aussi le tiers séparateur de la dyade patient-cheval.
Autrement dit pour l’interaction avec le thérapeute :
Quand les comportements ajustés durant l’interaction se pérennisent dans la dyade et semblent acquis, ils doivent être reportés dans le milieu humain. Le thérapeute y veille. Par son dialogue tonique et sa verbalisation, il fait comprendre au patient que la relation avec le cheval n’est qu’une étape dans l’apprentissage de la communication avec autrui, une base de communication non verbale qui lui permettra d’évoluer dans l’interaction avec l’autre. Il rejoue avec son patient les comportements justes, jusqu’à ce qu’ils soient automatisés et intégrés dans la communication non verbale du sujet : gestuelle, postures, regards, distances interpersonnelles, touchers, jusqu’à ce qu’ils soient inclus dans les codes sociaux lors d’une interaction avec autrui. Le thérapeute est un pont vers la métacognition, la métacommunication. Par la verbalisation des représentations mentales de l’autre, il la facilite. En effet, il explique les croyances, émotions, désirs qui sont illustrés en simultané par le comportement, la communication non verbale de la monture.
Le cheval est un animal porteur… les échanges corporels sont donc décuplés. Avec ce que je viens de vous expliquer, vous comprendrez que dans les médiations animales il est le plus adapté à la thérapie psychomotrice.
Une séance avec vous en médiation équine comment cela se passe?
Déroulement d’une séance type :
Le choix du cheval
A la première séance, en fonction de la corpulence du patient et de son projet individuel de soin, je présente un poney/cheval. Lors de la seconde séance, je proposerai le même afin que débute une relation entre eux. Si la personne en émet le souhait elle pourra changer de monture.
Les séances
- Elles débutent à l’accueil par un temps de parole
- Les retrouvailles avec le poney/cheval se déroulent au lieu de mise à l’attache
- Puis commence le pansage. C’est un temps de reconnaissance de l’animal comme un être vivant avec ses besoins et ses envies, une découverte de son corps et des soins qu’il faut lui prodiguer. C’est l’occasion d’une prise de conscience corporelle par le toucher. La psychomotricienne verbalise les communications non verbales du poney/cheval et invite à un dialogue non-verbal et verbal.
- S’ensuivent l’harnachement du poney et l’habillement de la personne (casque et gilet dorsal).
- Puis, ils se dirigent tous deux dans la carrière. Selon le projet individuel de soin, la psychomotricienne propose différents exercices sous formes ludiques : un travail à pied, en liberté, des prémisses de voltige, la monte avec différents jeux et/ou parcours à réaliser…
- En fin de séance, un temps de détente et/ou relaxation est proposé.
- Le patient revient sur le lieu de mise à l’attache, là il s’occupe de son poney/cheval lui-même et range le matériel dans la sellerie.
- Cela ouvre sur un temps de verbalisation de la séance.
- Et pour la clôturer, des friandises (carotte ou pomme), sont données au poney/cheval pour « son écoute » et lui dire « au revoir ».
Afin de favoriser le dialogue tonique, la monte s’effectue à l’aide d’un surfaix ou à cru.
Tout au long de la séance, une grande liberté d’expérimentation est laissée à la personne.
La pratique de l’équitation, telle que définie par la Fédération Française d’équitation, n’est pas développée.
Il y a un support théorique à consulter sur place.
Pour en savoir plus : https://www.psychomotricite-mediationequine.fr/
Partager l'article:
Publié le par Pion Denise
TAG:
Articles similaires: