Un objet qui se casse, c’est parfois comme un bout de notre mémoire qui s’évapore. Cela est d’autant plus vrai que certains des objets que nous possédons sont émotionnellement très chargés. Et dans leur manipulation, il peut arriver qu’ils se brisent, c’est le cas avec de la céramique. Dans ces cas, la solution est de louer les compétences d’un restaurateur de céramique.
Anne de Chevilly est une restauratrice de céramique qui a plusieurs dizaines d’années d’expertise dans le domaine. Son tout premier atelier elle le monte en 1991. Aujourd’hui âgée de 61 ans elle continue de se perfectionner dans ce secteur cher à son coeur.
Il faut en effet dire à son propos que son enfance fut marquée par les objets que collectionnait son père. “j’ai vécu dans une maison remplie d’objets d’art, notamment ceux de mon père,
collectionneur de majoliques italiennes anciennes”. Actuellement son atelier est installé chez elle.
Le plus bel objet que j’ai restauré est un cheval chinois en terre cuite de l’époque Wei
datant de 386-557 après J-C. La houppette de ce cheval avait été cassée puis perdue, donc j’ai dû en remodeler une en plâtre teintée à la couleur de la terre à l’aide d’une photo comme documentation. Pour finir j’ai patiné le morceau refait avec une légère couche d’aquarelle.
J’ai restauré également un centre de table japonais en porcelaine attribué à la
manufacture kato Mokuzaemon II, époque Meiji 1885. Ce magnifique objet fut exposé à
l’exposition internationale de Philadelphie en 1876. La difficulté a été de recoller les nombreux morceaux de ce plateau qui pesait environ une cinquantaine de kilos !
Ensuite, il y a un rebouchage en résine de toutes les cassures et morceaux manquants
suivi d’un ponçage, d’une couche de vernis d’apprêt puis de peinture passée à
l’aérographe pour imiter l’émail et des heures de reprise de décor au pinceau suivie d’une
couche de vernis finale.
Les matières premières que je préfère utiliser sont le plâtre et l’aquarelle réservées
uniquement aux terres cuites, matériaux non toxiques et faciles d’utilisation.
Je dirais qu’il y a trois techniques de restauration de céramique
-Un simple collage, qui permet de redonner forme à un objet pour un prix raisonnable et
dont le résultat, notamment pour certaines porcelaines fraîchement cassées peut
s’avérer très satisfaisant.
-Une restauration muséographique : après le collage seuls les morceaux manquants
sont reconstitués à la couleur de l’émail, suivi d’une reprise très légère du décor manquant.
Le coût est moins élevé qu’une restauration invisible et l’objet conserve toute son
Authenticité.
-Une restauration invisible, dit illusionniste :l’objet retrouve son aspect original, comme s’il n’avait jamais été cassé.
Pour une restauration invisible, voici tous les différents stades du travail
1-L’objet est nettoyé de toutes traces de vieilles restaurations et salissures. Les produits utilisés varient suivant la nature de la céramique.
2-Après un long séchage, les morceaux sont recollés et là encore la colle utilisée
dépendra de la nature et de la forme de l’objet.
3-Les cassures et morceaux manquants sont reconstitués avec une résine. Il peut y avoir des moules à effectuer comme des anses manquantes ou une main sur une statuette etc…dans lesquels une résine sera également coulée et avant cette opération tous les décors seront photographiés dans les moindres détails.
4-Un ponçage est effectué sur toutes les parties refaites et il peut être nécessaire de
remettre une deuxième fois de l’enduit, suivi d’un deuxième ponçage.
5-Un vernis d’apprêt est appliqué à l’aérographe sur toutes les parties abimées et est
poncé après séchage.
6- Une peinture à la couleur de l’émail est ensuite vaporisée à l’aérographe. La difficulté
consiste à retrouver exactement la même couleur et surtout à déborder le moins possible
sur l’originale.
7-Puis le décor recouvert par cette peinture est repris avec des pinceaux en martre et
s’exécute en plusieurs couches, entrecoupées de longs séchages de façon à garder une
certaine transparence et en s’aidant des photos prises précédemment.
8- Un vernis final est vaporisé au pistolet si possible, juste sur les parties refaites. Après séchage le vernis peut être usé de différentes façons pour se fondre avec l’original.
Après une restauration invisible, si le travail a été bien fait il est impossible à l’œil nu de
voir que l’objet a été cassé.
S’il est facile de briser un objet en porcelaine ou en céramique, il faut comprendre que bien au-dessus de la possibilité de faire usage de méthodes différentes pour recoller les morceaux, c’est avant tout un travail d’orfèvre. Cela exige du temps et beaucoup de technicités. C’est ce qu’on retient après que Anne nous ait exposé les étapes de ce long processus.